Google prolonge les cookies tiers dans Chrome : un signal fort pour l’écosystème digital
Le 22 avril 2025, Google a surpris l’industrie en annonçant qu’il ne supprimerait finalement pas les cookies tiers dans Chrome. Une décision majeure portée par Anthony Chavez, vice-président de Privacy Sandbox, et détaillée dans une communication officielle qui révèle un changement d’approche face aux enjeux publicitaires. Ce revirement souligne les limites des alternatives proposées — comme Privacy Sandbox — et impose une réévaluation des stratégies data pour les annonceurs.
Après plusieurs années d’incertitude, le verdict tombe : Chrome, navigateur dominant avec plus de 60 % du marché, conservera les cookies tiers. Ce choix met en évidence la difficulté à concilier performance publicitaire et protection des données, malgré les efforts des instances comme le W3C. Une décision qui offre un court répit aux acteurs encore dépendants de ces mécanismes de suivi.
Un changement guidé par les contraintes du marché
À l’origine, la disparition des cookies tiers devait devenir la pièce maîtresse de Privacy Sandbox, le programme lancé par Google en 2019 pour réinventer la publicité ciblée. L’ambition affichée était forte : développer des technologies capables de renforcer la confidentialité, tout en garantissant la pérennité d’un Web ouvert, accessible et financé par la publicité. Une vision ambitieuse… mais qui s’est rapidement heurtée aux limites du terrain.
Sur le terrain, la réalité s’est révélée nettement plus complexe. Les tests menés à grande échelle ont mis en évidence les tensions entre des acteurs aux attentes parfois opposées : annonceurs cherchant de la performance, éditeurs défendant leurs revenus, développeurs exigeant des standards clairs, régulateurs veillant à la conformité, et utilisateurs aspirant à plus de contrôle. Google admet désormais qu’aucune solution unifiée ne parvient réellement à satisfaire toutes ces parties prenantes.
Devant cette équation quasi insoluble, Google a pris une décision pragmatique : les cookies tiers resteront activés par défaut dans Chrome. Un choix qui acte le recul des alternatives proposées et confirme que, pour l’instant, le marché n’est pas prêt pour un remplacement à grande échelle.
Un maintien stratégique, sans renoncer aux ambitions de confidentialité
Ce changement de cap ne marque en rien l’abandon des engagements de Google en matière de protection des données personnelles. Bien au contraire : l’entreprise réaffirme sa volonté de faire évoluer Chrome vers un environnement plus respectueux de la vie privée, tout en préservant la stabilité de l’écosystème publicitaire. Ce repositionnement s’inscrit dans une dynamique plus réaliste que révolutionnaire, mais toujours orientée vers la montée en puissance de standards de confidentialité plus stricts.
Certaines mesures sont déjà déployées, à commencer par le blocage des cookies tiers en mode Incognito, qui offre un niveau de protection renforcé. D’autres innovations arrivent progressivement, notamment IP Protection, une fonctionnalité conçue pour masquer partiellement l’adresse IP des utilisateurs afin de limiter le suivi passif. Google entend ainsi renforcer la confidentialité de Chrome de manière progressive, plutôt que via un basculement brutal.
Pour accompagner cette transition, Google prévoit de publier une feuille de route actualisée et de poursuivre ses échanges avec l’ensemble des parties prenantes — annonceurs, éditeurs, régulateurs et experts techniques — afin d’ajuster ses projets. Contrairement aux attentes de certains acteurs du marché, le groupe n’introduira aucune nouvelle interface dédiée à l’acceptation ou au refus des cookies tiers, privilégiant une approche moins intrusive.
Le paramétrage actuel de Chrome restera donc inchangé, afin d’éviter de complexifier inutilement l’expérience utilisateur. Les options de gestion de la confidentialité continueront d’être accessibles via les réglages du navigateur, garantissant un contrôle modulable, mais sans surcharger l’utilisateur d’interfaces supplémentaires. Une façon pour Google de concilier stabilité, simplicité et évolution progressive vers un Web plus respectueux de la vie privée.
Un compromis stratégique entre innovation, business et régulation
Cette volte-face de Google illustre parfaitement l’équilibre complexe que doivent maintenir les géants du digital entre protection de la vie privée, performance publicitaire et conformité réglementaire. Chaque décision impacte non seulement l’écosystème publicitaire, mais aussi la relation de confiance avec les utilisateurs et la viabilité économique du Web.
En conservant les cookies tiers dans Chrome, Google choisit une approche progressive, évitant un basculement brutal qui pourrait déstabiliser l’économie numérique mondiale. Cette décision ne freine pas les ambitions de confidentialité : le groupe continue d’investir dans des technologies comme Privacy Sandbox et IP Protection, visant un Web plus respectueux des données tout en garantissant la continuité des modèles publicitaires existants.
La décision a été accueillie avec soulagement par une large partie du marché publicitaire, qui craignait une perte significative d’efficacité des campagnes marketing sans cookies tiers. À l’inverse, certaines organisations de défense des libertés numériques expriment leur déception, estimant que Google n’agit pas avec la même rigueur que d’autres acteurs, comme Safari, qui ont déjà mis en place des restrictions plus strictes sur le tracking.
Ce revirement rappelle un enseignement clé pour les marques et annonceurs : il est crucial de rester en veille constante et d’ajuster en permanence leurs stratégies tracking et data. Les décisions des géants du numérique peuvent changer rapidement, et anticiper ces mouvements devient un facteur déterminant pour maintenir performance et conformité, tout en respectant la confiance des utilisateurs.